lundi 29 avril 2024.

Beati Misericordes

Cœur Sacré de Jésus, source de toute miséricorde, rendez mon cœur semblable au vôtre.

La miséricorde, vertu divine.

La miséricorde, en Dieu, c’est la bonté en face de la misère, c’est la réaction de son cœur lorsqu’il voit souffrir ses enfants, même et surtout s’ils souffrent par leur faute. Chez l’homme aussi, la miséricorde doit produire deux choses :

  1. la compassion pour les maux du prochain
  2. et la promptitude à pardonner.

Cette vertu, plus que toute autre, fait de nous les vrais enfants de notre Père du ciel, car Jésus a dit :

Rendez service à ceux qui vous haïssent et priez pour ceux qui vous font souffrir et vous calomnient afin que vous deveniez les enfants de votre Père qui est aux cieux.1

La vraie miséricorde doit être surnaturelle, universelle et joyeuse.

Surnaturelle

— elle considère le Christ dans le prochain et donne son temps, son argent et son cœur en toute pureté d’intention. Elle fait l’aumône « aux pauvres, aux estropiés, aux boiteux », incapables de rendre la pareille, de préférence aux « voisins riches et aux amis », car c’est au ciel, et non sur la terre, qu’elle attend sa récompense.2

Universelle

— elle s’étend à toutes les personnes et à toutes les misères.

On compte sept œuvres de miséricorde corporelle :
  • Donner à manger à ceux qui ont faim,
  • Donner à boire à ceux qui ont soif,
  • Vêtir les indigents,
  • Exercer l’hospitalité,
  • Visiter les malades,
  • Visiter les prisonniers,
  • Ensevelir les morts.
Il y a également sept œuvres de miséricorde spirituelle :
  • Conseiller ceux qui doutent,
  • Instruire les ignorants,
  • Ramener à Dieu les pécheurs,
  • Consoler les affligés,
  • Pardonner les offenses,
  • Supporter avec patience ceux qui nous sont à charge,
  • Prier Dieu pour les vivants et les défunts.

Libérale et joyeuse

La manière de donner, souvent, vaut mieux encore que le don lui-même. Il faut savoir donner ce qu’on a de meilleur, c’est-à-dire son intérêt, son estime, sa sympathie, son cœur en un mot.

Ici comme partout, Notre-Seigneur a été le modèle parfait, exerçant les œuvres de miséricorde chaque fois que l’occasion s’en présentait, et ne se portant pas à celles que son Père ne lui demandait pas. Il montrait par là que tout ce qui est bon en soi ne l’est pas nécessairement pour tous, mais qu’il faut pratiquer le bien qui nous est demandé par notre vocation, par les circonstances ou autres indications de la Providence.

Ô Dieu, Père des miséricordes, qui, sur les ruines du vieil homme, avez daigné en créer à votre image un nouveau dans le bienheureux Jérôme, faites, par ses mérites, qu’étant renouvelés, nous aussi, nous puissions pratiquer à son exemple les œuvres de miséricorde et obtenions les récompenses magnifiques de votre royaume.3

La récompense

Outre que, plus tard, elles obtiendront elles-mêmes miséricorde, il existe pour les âmes généreuses une première récompense qui ne se fait pas attendre :

la joie qu’on éprouve à donner, plus grande encore, atteste Jésus, que la joie de recevoir.4

Mais si une simple aumône, un verre d’eau donné à un disciple du Christ ne doit pas rester sans récompense5, que dire de l’abandon complet de tous ses biens ?

« Mes chers enfants, déclara S. Bernard à ses moines lorsqu’il lui fallut commenter la cinquième béatitude, je ne tairai point la pensée qui me vient à l’esprit ; ma bouche redira les louanges du Seigneur, les louanges du Seigneur, dis-je, et non les vôtres ; car ce n’est pas à vous, c’est à Dieu que je dois rendre gloire ; Zachée, loué par l’évangile, a donné aux pauvres la moitié de ses biens ; or, je vois parmi vous beaucoup de Zachée qui n’ont rien gardé de ce qu’ils possédaient. Qui m’écrira l’évangile de ces nouveaux Zachée ? Mais, leur histoire est déjà gravée dans l’évangile éternel, déjà scellée au livre de vie…

Bienheureux les miséricordieux, parce qu’ils obtiendront miséricorde !

Réjouissons-nous donc en espérance, car Dieu ne se laisse jamais vaincre en générosité. S’il me demande de donner, ce n’est pas qu’il en ait besoin, mais, il veut pouvoir régler son attitude sur la mienne, se servir envers moi de la mesure dont je me serai servi envers mes frères. Il me pardonnera au jour du jugement, je ne puis trop me le redire, selon que j’aurai pardonné aux autres. Il m’accordera d’autant plus de grâces au cours de ma vie, que j’aurai été moi-même plus généreux envers le prochain.6

La malédiction

S. Luc, qui est seul à mentionner les malédictions prononcées à la suite des béatitudes, ne dit rien des « hommes durs et sans miséricorde »7, mais Jésus a pris soin de nous faire entendre, en d’autres circonstances, comment les gens inflexibles et imperméables à la pitié se verront traités un jour par le souverain Juge.

À prendre les paroles du Christ sur le jugement telles que les rapporte S. Matthieu, il semblerait que le manque de miséricorde soit l’unique motif de damnation :

Allez-vous-en loin de moi, maudits, au feu éternel… car j’ai eu faim, et vous ne m’avez pas donné à manger… j’étais nu, et vous ne m’avez pas vêtu ; malade, et vous ne m’avez pas visité… Toutes les fois que vous n’avez pas fait cela à l’un de ces petits, c’est à moi que vous ne l’avez pas fait8.

Quant au refus de pardonner, péché si fréquent, même là où on ne devrait pas le rencontrer, Jésus nous apprend, dans la parabole du serviteur impitoyable, que celui qui s’en rend coupable en est la première et principale victime.

L’injustice est haïssable, certes, et Dieu la hait plus que nous.

Cependant, il aime le pécheur et veut que nous l’imitions. S’il faut pardonner, ce n’est donc pas que nous devions regarder comme bien, dans la manière de faire du prochain, ce qui est mal. Nous ne le pouvons pas et ne le devons pas. Mais, ce que nous sommes inexcusables d’oublier, c’est que nous avons nous-mêmes, envers la justice divine, une dette mille fois supérieure à celle qui pèse sur notre ennemi.

Dieu nous propose l’annulation générale des dettes.

Aurons-nous le bon sens de comprendre qu’elle est tout entière à notre avantage ? C’est une grâce de le comprendre, car cela dispose à la miséricorde ; c’est le commencement d’une béatitude.

La parabole, que nous allons rapporter, imaginée par la sagesse divine, touche au point vif de la question. Tant qu’on ne l’a pas méditée et comprise, tant qu’on s’hypnotise à considérer uniquement le tort du prochain envers nous, notre sens de la justice se révolte et le pardon devient impossible. Mais, lorsque nous nous rappelons les miséricordes incroyables de Dieu à notre égard, que nous songeons à telle ou telle absolution reçue, alors nous comprenons qu’il ne suffit pas d’un chapelet ou d’un Magnificat pour remercier dignement notre Père céleste, mais que la véritable reconnaissance exige que nous remettions au prochain les dettes les plus réelles et que nous lui pardonnions « du fond du cœur ». La même leçon nous est donnée chaque jour dans le Pater noster, pour peu que nous réfléchissions à ce que nous disons.

Ne devais-tu pas à ton tour avoir pitié de ton compagnon ?

Le royaume des cieux, dit un jour Jésus, est semblable à un roi qui voulut régler ses comptes avec ses serviteurs. Il avait commencé, lorsqu’on lui amena un homme qui lui devait dix mille talents. Comme il n’avait pas de quoi payer, son maître ordonna de le vendre, et avec lui sa femme, ses enfants et tous ses biens, afin de se faire rembourser. Alors ce serviteur, tombant à ses pieds, lui dit :

Seigneur, accordez-moi un délai, et je vous rembourserai tout.

Touché de compassion, le maître le laissa aller et lui remit sa dette.

À peine sorti, ce serviteur rencontre un de ses compagnons qui lui devait cent deniers. Il le saisit à la gorge et l’étouffe en disant :

Rends ce que tu dois !

À son tour, son compagnon tombe à ses pieds et dit :

Accorde-moi un délai, et je te rembourserai.

Mais, le serviteur refusa et fit jeter son compagnon en prison jusqu’à ce qu’il eût payé sa dette.

« Ce que voyant, les autres serviteurs furent vivement peinés et vinrent raconter la chose à leur maître. Celui-ci fit alors venir le serviteur et lui dit :

Méchant serviteur, je t’avais remis toute ta dette, parce que tu m’avais supplié. Ne devais-tu pas à ton tour avoir pitié de ton compagnon, comme moi, j’avais eu pitié de toi ?

Et, dans sa colère, le maître le livra aux bourreaux jusqu’à ce qu’il eût payé toute sa dette.

C’est ainsi que mon Père céleste vous traitera, conclut alors Jésus, si vous ne pardonnez chacun à votre frère du fond du cœur ».9

Ecoutons l’appel divin et n’endurcissons pas notre cœur. Accordons aujourd’hui même, s’il y a lieu, ce plein pardon. Autrement, Dieu donnerait libre cours à sa justice, non pas en faisant revivre les dettes passées — ce qui est pardonné l’est pour toujours — mais tout simplement en nous soustrayant l’abondance de ses grâces, puis, après de nouvelles et lamentables chutes, en nous laissant à jamais dans le péché :

Ô Jésus, faites-moi comprendre, au moment de ma prochaine communion, que le premier présent que vous attendez de moi, c’est celui d’un cœur libre de toute froideur, de toute rancune et de toute animosité contre mon frère.10


Lectures pour nourrir vos méditations


Notes & Références

Sujet d’Oraison pour tous les jours de l’année, Tome III, « Temps après la Pentecôte » — Vie Publique de Jésus — Enseignements et Miracles, P. J.-B. Gossellin, S.J., 2ᵉ édition revue et augmentée, Apostolat de a prière, Toulouse, 1940, p. 113-119.

  1. Matt. 5, 44-45
    Luc 6, 28
  2. Cf. Luc 14, 13-14
  3. Oraisons de la messe de S. Jérôme Emiliani, 20 juillet.
  4. Act. 20, 35
  5. Matt. 10, 42
  6. Luc 6, 37, 38 ;
    Matt. 6, 12 ;
    Matt. 18, 23-35
  7. Rom., I, 31
  8. Matt. 25, 41-45
  9. Matt. 18
  10. Matt. 5,23

Textes à Méditer

Lectures Chrétiennes

Suivez-nous !

Choix de la Rédaction

Catégories

Étiquettes