samedi 27 avril 2024.
 

L’Épreuve de Joseph et de Marie

Ne vous éloignez pas de moi, Seigneur, car l’épreuve est proche et je n’ai personne qui soit capable de m’aider !1

L’Epreuve. Les desseins de Dieu.

Marie étant fiancé à Joseph, il se trouva, avant qu’ils eussent habité ensemble, qu’elle avait conçu par la vertu du Saint-Esprit. Joseph, son mari, qui était un homme juste, ne voulant pas la diffamer, résolut de la renvoyer secrètement2.

Marie retourna à Nazareth dans le quatrième mois de sa grossesse, qui devint bientôt apparente. Joseph, son époux3, connut alors la plus amère des afflictions.

O profondeur des jugements divins ! Dieu ne voulut pas révéler tout de suite à Joseph le mystère de l’Incarnation, qu’il avait dévoilé à Élisabeth et Zachary.

Pourquoi ? Peut-être tout simplement pour éprouver la vertu de Marie et de son Époux, et pour les associés dès le début aux douleurs de la rédemption. Quelle souffrance horrible pour Joseph que cette incertitude au sujet de son Épouse, si modeste pourtant et si vertueuse, mais qui s’enfermait dans un silence absolu !

Quant à la Vierge, elle voyait comment Joseph devenez de jour en jour plus soucieux ; elle lisait sur son visage, dans tous ses gestes, le doute angoissant qui le torturait. Et, quelle humiliation pour l’un et pour l’autre que la simple possibilité4 d’un soupçon en pareille matière !

Je considérerai ici le plan de Dieu : comme il faut qu’ils soient grands, les avantages spirituels des afflictions et des abaissements, pour que Jésus, à peine descendu en ce monde, en fasse si large part à ceux qu’il aime ! Je verrai en outre comment Dieu prépare les âmes par l’humiliation et la souffrance à ses visites de choix, comme fut celle de la Nativité.

De là, je conclurai encore qu’on peut être saint, vivre avec des saints, s’occuper d’œuvres saintes, sans manquer pour cela de peines et d’humiliations, occasionnées même parfois par ces œuvres ou ces personnes si saintes. La chose se rencontre souvent dans la vie des amis de Dieu, surtout des fondateurs d’Ordre. Loin de me laisser abattre par ces épreuves, je le recevrai donc comme des faveurs divines, des « miséricorde du Seigneur », selon le mot de sa Camille de Lellis, surtout lorsqu’elles ne m’arrivent point par ma faute.

Ô Vierge Marie, vous qui avez subi la dernière des humiliations pour la chose la plus honorable qui soit au monde, daignez rectifier mes jugements et mes inclinations au sujet de l’honneur mondain et de l’estime des hommes, car ils sont encore loin de vos jugements et de ceux de Jésus !

Da mihi recta sapere !5

L’épreuve met en relief la vertu

Les vertus de Joseph et de Marie brillèrent, au cours de l’épreuve, d’un vif éclat : c’est ce que Dieu voulait.

Merveilleusement doux et patient, Joseph ne se permis ni une plainte, ni une parole amère, mais garda sa peine pour lui seul. « Juste », c’est-à-dire saint et prudent, il résolut d’épargner à Marie les rigueurs de la Loi tel qu’on l’appliquait en pareil cas, et de renvoyer secrètement celle qui avait contre elle des indices écrasants, mais dont part ailleurs toute la conduite inspirait le respect et l’affection. C’est le propre des esprits prudents et pacifiques de ne pas s’exagérer les torts certains — a fortiori les torts apparents — en leur donnant trop d’attention, comme s’il n’y avait qu’eux, comme s’ils éclipsaient des qualités réelles, autrement nombreuses et appréciables.

Ceci doit me couvrir de confusion lorsque je compare ma conduite à celle de Saint-Joseph, mon emportement à sa douceur, mes paroles inconsidérées et mes offenses à son silence ; à son humilité, mon peu de patience dans le support des affronts ; à sa prudence, ma sévérité et mes exagérations lorsqu’il s’agit d’apprécier les torts d’autrui.

En Marie, j’admirerai l’abandon total à la Providence : son avenir, sa réputation, son honneur, elle a tout remis entre les mains de Dieu, et attend dans un silence héroïque une indication de son bon plaisir. Et, pourtant, que va-t-elle devenir si Joseph le renvoie ? N’était-ce pas alors dans la foi nue, avec confiance de volonté, et non de sentiment, qu’elle répétait, en cette mortelle angoisse, le verset du psaume :

Le seigneur me gouverne : rien ne me manquera6

Humainement, tout n’allait-il pas lui manquer ? Épreuve consolante pour nous : nous ne sommes pas seuls à goûter les larmes amères de la tribulation. Pour Marie et Joseph, la récompense était bien proche ; pour nous aussi peut-être.

La récompense.

« Comme il était dans cette pensée, voici qu’un ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit : « Joseph, fils de David, ne crains point de prendre avec toi Marie, ton Épouse, car ce qui est formé en elle et l’ouvrage du Saint-Esprit. Elle enfantera un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus, car il sauvera son peuple de ses péchés7. »

Quelle joie après tant inquiétudes ! L’innocence et la pureté de Marie sont donc complètes. Et, d’elle naîtra le Messie, auquel Joseph imposera le nom de « Sauveur », dont il sera le père devant la Loi et devant les hommes : gardien et possesseur du jardin fermé qu’est la Vierge, n’est-il pas aussi légitime propriétaire du trésor divin que l’Esprit-Saint y a caché ? Sur le coup de l’épreuve, l’âme de Joseph a rendu un son parfaitement pur : Dieu se hâte de l’en récompenser aux centuples en lui dévoilant l’ineffable mystère de l’Incarnation.

Le même bonheur inonda l’âme de Marie lorsqu’elle vit revenir la joie et la paix au cœur de son Époux bien-aimée, et qu’elle apprit comment Dieu même lui avait révélé son grand secret.

Oh ! Que son abandon fut bien payé, et quel Magnificat dut monter à ses lèvres !

Grand Saint-Joseph, vous dont la patience l’emporte sur celle de Job, vous dont la prudente charité vient de me donner une leçon dont j’ai toujours besoin, aidez-moi à mettre dans mes rapports avec autrui — c’est-à-dire avec Jésus8 — quelque chose de ce respect et de cette exquise délicatesse dont vous avez toujours entouré votre sainte Épouse !

Et, vous, ô Marie, temple vivant du Dieu saint dont vous reflétez les vertus, enseigner à mon âme l’humilité et la confiance ; faites que ma consolation et ma paix soient de porter Dieu en moi par la grâce : pour le reste, apprenez-moi le filial abandon à sa Providence !


Pour aller plus loin…


Notes & Références

Sujet d’Oraison pour tous les jours de l’année, Tome II, De l’Avent au Carême” Notre-Dame — L’Incarnation — L’Enfance de Jésus, P. J.-B. Gossellin, S.J., 2ᵉ édition revue et augmentée, Apostolat de a prière, Toulouse, 1937, p. 150-154.

  1. Ne discedas a me, Domine, quoniam tribulatio proxima est, quoniam non est qui adjuvet !(Ps XXII, 12)
  2. Matt. I, 18-20
  3. Il semble bien que, chez les Juifs, les fiançailles avaient les mêmes effets juridiques que notre mariage chrétien : « La jeune fille accordée par son père à un homme était désormais sous la loi… La fiancée coupable avec un autre eût commis un véritable adultère. » (R.P. Lagrange, o. c., p. 26)
  4. Une certaine délicatesse du sens chrétien s’est refusée à suivre l’exégèse de S. Justin, de S. Augustin, de S. Chrysostome, et a admettre que Jospeh e soit volontairement arrêté à un soupçon injurieux. Voir Salmeron, Suarez, etc…
  5. Donnez-moi le sens, et le goût de ce qui est bien.
  6. Psaume 23, 1.
  7. Matt. I, 20-21.
  8. « Ce que vous avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. » (Matt. XXV, 40)

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