mercredi 22 janvier 2025.

Beati mites

Jésus, doux et humble de cœur, rendez mon cœur semblable au vôtre.

La douceur évangélique.

Après avoir loué la pauvreté, observe finement S. Bernard qui fut longtemps supérieur, il convenait de recommander la douceur. C’est qu’en effet, la première tentation de ceux qui sont voués aux privations et aux souffrances corporelles est de se plaindre, de s’irriter, de se rendre insupportables aux autres. À quoi bon dès lors avoir tout quitté !

Les doux sont ceux qui ne se révoltent ni contre Dieu, ni contre les hommes, mais qui supportent tout avec une humble patience. Cette vertu est la résultante de beaucoup d’autres, elle suppose :

  • l’humilité, la force,
  • la patience,
  • la bonté
  • et la largeur d’esprit.

Jésus lui-même va nous le prouver par la suite de son discours :

À qui te frappe sur une joue, tends l’autre aussi… Aimez vos ennemis et faites du bien à ceux qui vous haïssent ; priez pour ceux qui vous persécutent et vous calomnient… Si quelqu’un te réquisitionne pour mille pas, fais-en deux mille avec lui.

De telles actions peuvent sembler un défi au sens commun ; il est certain pourtant que, quand elles sont animées par une charité héroïque, elles sont les plus beaux fruits de l’Évangile ; c’est grâce à ces hauts exemples des préceptes du Seigneur, pratiqués littéralement et « sans glose » que l’esprit s’en maintient vivant chez tous les chrétiens, chez ceux-là mêmes qui n’ont pas la force ni la vocation de s’élever si haut ».1

Si nous n’avons pas assez de courage pour pratiquer à la lettre ces recommandations du Christ, mettons à tout le moins un peu de patience et de condescendance dans nos rapports avec nos frères. C’est dans le but d’obtenir de tous ce minimum que Jésus fait « viser aux étoiles »2

Seigneur Jésus, où trouverai-je la douceur qui me manque, sinon à sa source, dans votre Cœur ? C’est parce que ce Cœur est doux que vous m’invitez à me mettre à votre école 3; c’est pour me permettre d’y puiser que vous avez refusé de fermer la plaie ouverte jadis par la lance. Me voici donc, ô Sauveur divin. Donnez, donnez en Dieu4.

Ils posséderont la terre.

Quelle terre ? Ils posséderont, disent certains, le meilleur des biens de ce monde, parce qu’ils seront estimés de tous. La douceur triomphe du mal par le bien5 ; elle est conquérante et appelle l’amitié. Pour retourner les sentiments d’un contradicteur et s’en faire un allié, il n’y a rien de tel que la mansuétude6.

Selon S. Bernard, ils posséderont la terre de leur corps. En effet, l’âme qui reste douce et soumise à l’égard de Dieu et des supérieurs trouve à son tour ses propres inférieurs, c’est-à-dire la chair et les membres, dociles aux lois de l’esprit.

Selon S. Jérôme et le commun des docteurs, ils posséderont en héritage le Ciel, terre des vivants.

Le modèle divin.

La douceur brilla en Jésus d’un éclat particulier, surtout durant sa passion et dans l’œuvre de la formation des apôtres. Le prophète Isaïe, donnant les signes auxquels on reconnaîtrait le Messie, avait annoncé qu’ « il ne briserait pas le roseau froissé et n’éteindrait pas la mèche qui fume encore ».

Jésus est doux envers les faibles.

Faites-en autant à votre prochain infirme, dit Bossuet. Loin de chercher l’occasion de lui nuire, prenez garde que… vous ne marchiez sur lui et n’acheviez de le rompre. Mais, quel est ce prochain infirme, si ce n’est le prochain en colère et le prochain qui s’emporte ? Il est brisé par sa propre colère, et ce faible roseau s’est cassé en frappant ; n’achevez pas de le rompre en le foulant encore aux pieds. C’est… ce que veut dire « la mèche fumante ». Elle brûle : c’est la colère dans le cœur ; elle fume : c’est quelques injures que le prochain irrité profère contre nous. Gardez-vous bien de l’éteindre avec violence… Laissez-la fumer un peu et s’éteindre comme toute seule. Si elle fume, c’est qu’elle s’éteint ; ne l’éteignez pas avec force, mais laissez cette fumée s’exhaler et se perdre inutilement au milieu de l’air. »

La seconde béatitude commentée par les saints.

Rien ne vaut les actes en fait de commentaire. En voici deux particulièrement frappants.

Le Bienheureux Antonio Baldinucci

Un jour que le bienheureux Antonio Baldinucci, célèbre missionnaire italien, partait en expédition apostolique, on lui adjoignit pour compagnon un brave professeur de mathématiques du Collège romain, le P. Baldignani, d’humeur absolument contraire à la sienne. C’était un homme gros et gras, plein de bonne volonté, mais qui ne se remuait qu’avec une lenteur extrême. Il n’en voulut pas moins marcher à pied avec le P. Antonio, et réussit à peine à faire en un jour quatre mille, quand le bienheureux en eût allègrement parcouru trente ou quarante. Celui-ci cependant, sans témoigner le moindre ennui, la moindre impatience, s’efforça de s’accommoder à son compagnon.

Mais, disait-il plus tard, j’en serai mort, si je n’avais pris le parti d’aller et revenir sur mes pas, à la façon des chiens de berger.

Arrivé au bord d’un fleuve, le grave professeur, voulant passer à gué, tombe à l’eau et prend un bain complet. Antonio s’empresse et allume un grand feu pour sécher plus vite l’infortuné.

Or la mission devait commencer le soir même, et une grande foule attendait les prédicateurs dans les environs du village. Ce ne fut pas pour émouvoir notre homme, qui, impassible, s’assit sous un arbre, se chauffa à loisir, et s’endormit du sommeil du juste.

Le charitable Antonio, tout préoccupé qu’il fût de sa mission, ne songea pas un instant à laisser là son compagnon. Immobile, il attendit patiemment son réveil, qui se fit de lui-même… au bout de sept heures ! Ce n’est pas, conclut le biographe, le trait le moins héroïque d’une vie si pleine de merveilles.

On ne construit le surnaturel qu’avec du surnaturel. Si nous voulons devenir apôtres, c’est par de tels actes que nous ferons du bien aux âmes.

Saint Benoît Labre

Benoît Labre, le saint en guenilles, mal vêtu et encore plus mal chaussé, était sans cesse sur les routes, allant de basilique en basilique pour accomplir ses dévotions et donner au monde — telle était manifestement l’intention de la Providence — un exemple vivant de la première béatitude. Or, un jour, il heurta du pied une pierre et se blessa douloureusement. Tout autre eût rejeté la pierre dans un premier mouvement de colère. Mais, lui la ramasse, la baise et la dépose doucement sur le bord du chemin.

Comprenons, à son exemple, qu’aucune souffrance ne nous atteint sans une permission de notre Père céleste, et nous aurons fait un pas de géant vers l’acquisition de la douceur.

Seigneur Jésus, par la douceur et la suavité de votre Cœur, veuillez consumer la rudesse, la violence et l’irritabilité du mien. Daignez pacifier mon cœur au moyen de la foi, l’élargir en lui apprenant la condescendance et l’adoucir par la bonté. Esprit de Jésus, ô Esprit-Saint, venez en mon cœur ! Découvrez-moi la mansuétude avec laquelle vous supportez mes indélicatesses indéfiniment renouvelées, afin que cette vue m’aide à supporter les quelques paroles déplacées ou les procédés moins aimables qui me viendraient de mes frères.


Lectures pour nourrir vos méditations


Notes & Références

Sujet d’Oraison pour tous les jours de l’année, Tome III, « Temps après la Pentecôte » — Vie Publique de Jésus — Enseignements et Miracles, P. J.-B. Gossellin, S.J., 2ᵉ édition revue et augmentée, Apostolat de a prière, Toulouse, 1940, p. 90-95.

  1. Lebreton, o. c., 1, p. 214
  2. R. P. Lagrange
  3. Matt. 11, 29
  4. Sa manière de donner, c’est d’offrir des occasions qui exercent largement notre vertu, avec une grâce, intérieure proportionnée.
  5. Rom. 12, 21
  6. L’exemple. d’Anne (I SAMUEL, I), nous en donne la preuve ; Cf, notre « Prière du Christ dans le cœur du chrétien », p. 113, n° 2.
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