lundi 29 avril 2024.

Conseils pratiques pour l’Oraison — 2. Préparation à l’Oraison.

La préparation de l’oraison1

Saint Ignace, comme tous les maîtres d’oraison, recommande de préparer l’âme avant de prier.

Se Préparer

Il convient d’abord de prévoir la matière de l’oraison du lendemain, d’en fixer les principaux « points », ce qui n’empêchera nullement, si Dieu nous porte ensuite à penser à une autre chose, de suivre l’attrait de sa grâce, à condition toutefois de ne pas agir avec inconstance ou légèreté, et de ne pas sauter sans raison d’une matière à l’autre.

Se recueillir

Il est de toute nécessité, quel que soit le genre de prière, vocale ou mentale, quelle que soit la méthode adoptée, de se recueillir tout d’abord et de songer avec qui on va s’entretenir, de bien se rappeler que la très Sainte Trinité habite en notre cœur par la grâce, et de commencer son oraison par un acte de foi, aussi fervent que possible, en cette présence de Dieu.

Considérons comment notre Père céleste est là, dans notre cœur, attendant notre prière avec un désir de nous exaucer qui dépasse nos propres aspirations ; mais souvenons-nous bien que cet « acte de présence de Dieu » est affaire de foi, et non d’imagination.

Lorsque vous voudrez prier, déclara Jésus sur la montagne, entrez dans votre chambre, c’est-à-dire recueillez-vous, rentrez en vous-même, dans l’intime de votre cœur, où habite la Trinité Sainte, Père, Fils et Saint-Esprit2, et fermant la porte de vos sens, priez votre Père du Ciel qui est présent dans le secret ; et votre Père du Ciel, qui voit dans le secret, vous le rendra3.

Cette considération de la présence de Dieu est capitale, car elle provoque le respect, la confiance et l’attention ;

« et si cette simple pensée suffisait à nourrir ma dévotion, je puis parfaitement m’y arrêter et me contenter de cet aliment que Dieu me donne, puisque c’est déjà là une oraison, et une excellente oraison4 ».

Cependant, d’ordinaire, il suffira de s’y appliquer durant l’espace d’un Notre Père.

Un signe de croix très bien fait aidera aussi au recueillement, ravivera l’esprit de foi, et protestera devant Dieu que nous entendons faire oraison et nous unir à lui, non par nos propres moyens, mais par la vertu et la grâce de la Très Sainte Trinité.

Respecter

Le respect envers l’adorable Majesté de Dieu étant aussi nécessaire qu’une sainte familiarité avec lui, il sera très utile d’exprimer ce sentiment par un acte extérieur, soit en récitant très humblement le Confiteor, soit en se frappant la poitrine, soit en baisant la terre lorsqu’on est seul.

S’offrir

Saint Ignace conseille à celui qui fait les Exercices spirituels de s’offrir à Dieu, au début de chaque exercice, par le moyen d’une courte formule telle que celle-ci :

« Mon Dieu, je vous offre cette oraison, et vous demande humblement de m’assister par votre grâce, afin que toutes mes intentions et toutes mes actions soient très purement dirigées vers le service et la gloire de votre divine Majesté. »

Une fois ou l’autre, par exemple, au cours d’une retraite, on pourra, si on le préfère, s’adresser aux trois personnes divines, les invoquant selon les attraits de la grâce, ou de la manière suivante :

Au Père Céleste

Ô mon Père et mon souverain Maître, je vous offre ma prière, l’unissant5 à celle que vous adressez, sur Terre, le Sauveur Jésus, au nom duquel je vous supplie de m’aider à prier comme il priait à vous servir et à vous glorifier à son exemple.

Au Fils, on dira avec les Apôtres :

Seigneur, enseignez-moi à prier, à m’entretenir avec votre Père, qui est aussi le mien, à me nourrir comme vous de sa volonté, à penser à ses intérêts et à sa gloire, aux besoins de votre Église, à ceux des âmes.

Puis, on s’adressera au divin Consolateur

Ô Esprit-Saint, Lumière des cœurs, Père des pauvres, je ne sais pas prier comme il convient6, venez dans le cœur de votre fidèle, venez prier pour moi, venez prier en moi avec ces « gémissements ineffables » qui touchent infailliblement le cœur du Père céleste.

Faire le silence

Certains maîtres spirituels conseillent volontiers une minute de silence au début de la méditation :

« Au commencement de l’oraison, écrit l’un d’eux, avant de vous appliquer au sujet que vous avez préparé, demeurez un peu de temps dans une cessation de toutes sortes d’actes. Cela sert pour arrêter l’agitation des sens, de l’imagination et de l’appétit ; pour mettre l’esprit en repos, et pour établir l’âme dans un fonds de paix intérieure qui la dispose à recevoir l’opération de Dieu7 ».

Commencer

Saint Ignace propose en outre deux préludes avant la méditation :

Imaginer

le premier consiste à « se figurer, au moyen de l’imagination, le lieu matériel où se trouve l’objet qu’on veut contempler ».

Demander

Le second consiste à « demander à Dieu le fruit qu’on veut et qu’on désire ». Ce fruit sera nécessairement très précis dans les Exercices spirituels faits selon la méthode ignatienne.

Imiter

Mais, dans les oraisons quotidiennes, au cours de l’année, pareille détermination ne s’impose pas ; on pourra, si l’on veut, imiter saint François de Borgia, qui récitait, en guise de prélude, l’oraison liturgique du jour.

D’autres préféreront s’en tenir toujours à la même prière et réciteront l’invocation : « O très bon et très doux Jésus… », ou la collecte du 2ᵉ dimanche après la Pentecôte, ou l’oraison qui suit les litanies du saint Nom de Jésus, ou telle autre prière qui exprimera mieux les aspirations profondes de leur âme.

Les préludes sont souvent utiles pour chercher Dieu ; si on l’a déjà trouvé, qu’on se garde de revenir en arrière.

La Méditation

Le travail de la « méditation » proprement dite — les anciens auteurs le nommaient discours, raisonnement — consiste à réfléchir sur une pensée, à en considérer la vérité à loisir et sous ses différents aspects, à en tirer les conclusions qui concernent notre vie spirituelle. Méditer, ce n’est pas chercher à faire avancer une doctrine, mais l’attirer à soi, se l’incorporer, l’utiliser pour son profit personnel ; et quand cette doctrine nous est proposée par Dieu, la vérité même, c’est encore et surtout s’y soumettre, y adhérer, lui donner tout l’assentiment dont un être doué de raison est capable.

La méditation prépare l’oraison ;

« la méditation, a dit saint Bernard, montre ce qui manque ; la prière obtient que rien ne manque ».

Certaines matières d’oraison, plus affectives, certains psaumes, par exemple, se prêtent moins à la méditation ; d’autres, comme le texte des Evangiles, davantage ; il en est enfin, comme la pensée de la mort ou de l’éternité bienheureuse, comme les paraboles de Notre-Seigneur, qui s’y prêtent éminemment.

Dans les commencements de la vie spirituelle, tant que l’âme n’est pas encore familiarisée avec les mystères de notre sainte foi, on recommande d’insister davantage sur la méditation, car, si elle réalise la définition de la prière moins pleinement que les affections et les colloques, elle leur assure une base solide et indispensable en développant dans l’âme l’esprit de foi, « fondement et racine8 » de notre sanctification.

Mais, il est normal que, par la suite, les réflexions se fassent plus courtes, que les affections et les colloques se multiplient et se prolongent.

L’important pour moi, dans l’oraison, ne sera pas d’aller vite et de parcourir tous les points de la méditation, mais de me pénétrer profondément d’une vérité de foi, de me l’incorporer, de m’arrêter à une pensée aussi longtemps que j’y trouverai du goût ou de la dévotion, sans être impatient de passer à une autre, produisant des affections, adressant à Dieu des demandes conformes à cette pensée et aux désirs qu’elle excite en mon cœur9.

Cette recommandation capitale a été réitérée par S. Ignace.

C’est faute de la suivre que certaines âmes ne parviennent pas à simplifier, à rendre plus facile et plus suave leur oraison. La grâce est là, dans cette pensée qui fortifie, dans ce désir, dans cette aspiration vers Dieu, et on la quitte dans le secret espoir de trouver mieux par ses efforts, de découvrir des pensées plus neuves, plus intéressantes. Plus on est simple avec Dieu, plus on sait faire son profit de peu, et mieux, on s’adapte au travail de sa grâce.

Grande et utile leçon que celle de N. S., à Gethsémani, « répétant la même prière », courte et banale en apparence, parfaite et efficace en réalité.

Remarquons encore ceci : lorsque l’Esprit-Saint nous porte à prier, tout devient savoureux et facile. Comme le navire dont le vent gonfle les voiles, nous n’avons en quelque sorte qu’à nous laisser faire.

Mais, cette aide toute gratuite, vient-elle à faire défaut, ce qui arrive souvent, alors nous devons ramer, nous industrier, nous ingénier à produire les actes qui restent toujours à notre portée, moyennant une grâce qui ne nous manque jamais, quoique nous ne la sentions pas.

Ainsi, nous ferons des actes de foi sur le mystère que nous méditons, nous dirons et redirons une oraison jaculatoire, une demande du Pater, de l’Ave, de l’Anima Christi, nous lirons un texte qui se tourne facilement en prière, comme l’Imitation, nous réciterons lentement une prière vocale appropriée au sujet, ce qui suppose sans doute que la veille, nous avons prévu la sécheresse et préparé notre oraison en conséquence.

« Quelquefois, disait sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, lorsque mon esprit se trouve dans une si grande sécheresse que je ne puis en tirer une seule bonne pensée, je récite très lentement un Pater ou un Ave Maria ; ces prières seules me ravissent, elles nourrissent divinement mon âme et lui suffisent. »

Pourquoi le chemin de la croix est-il, pour beaucoup de personnes, une des oraisons les plus faciles et les moins distraites, sinon, entre autres motifs, parce qu’elles se sont habituées à mettre en œuvre les procédés que nous venons d’indiquer ?

Souvenons-nous enfin, dans l’atonie et la sécheresse, que nous avons toujours quelque chose d’infiniment agréable à offrir à Dieu : son divin Fils, et disons-lui alors, d’un cœur humilié et confiant :

Père, voici que l’heure s’écoule, et je n’ai rien trouvé à vous dire, et je suis resté comme une bête de somme en votre présence.
Cependant j’ai quelque chose d’infiniment précieux à vous présenter : la prière de votre divin Fils à laquelle j’unis ma pauvre prière, sa longue prière de l’Annonciation à la Nativité, sa prière réparatrice au désert, ses prières sur la montagne, sa prière enfin sur la croix et en ce moment même dans le ciel où il intercède en notre faveur.
Écoutez donc, ô Père, le Fils bien-aimé en qui vous avez mis toutes vos complaisances : il vous dira, lui, bien mieux que je ne saurais le faire, tout ce qu’il y a dans mon cœur et que je n’ai pas su vous exprimer.

Prière du jour


Pour aller plus loin…


Notes & Références

Sujet d’Oraison pour tous les jours de l’année, Tome I, Conseils pratiques pour l’oraison — La Très Sainte Trinité — Les perfections divines — La Grâce — Les fins dernières”, P. J.-B. Gossellin, S.J., 2ᵉ édition revue et augmentée, Apostolat de a prière, Toulouse, 1938, p.9-17.

  1. Comme le texte de l’introduction n’offre généralement qu’une matière d’oraison assez abstraite, nous avons joint à chaque sujet une prière.
  2. Jésus lui répondit : « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole, et mon Père l’aimera, et nous viendrons à lui, et nous ferons chez lui notre demeure » Jean XIV, 23.
  3. « Pour toi, quand tu veux prier, entre dans ta chambre, et, ayant fermé ta porte, prie ton Père qui est présent dans le secret ; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra. » Matt. VI, 6
  4. P.L. Du Pont, Introd. gén., § V.
  5. On se demandera peut-être quelle est, en toute rigueur, la valeur théologique de cette pieuse pratique, enseignée par tant de saints, adoptée même par la Sainte Eglise, qui invite à dire, avant la récitation de l’Office divin : « Seigneur (Jésus), je vous offre ces heures en union de lintention divine qui animait votre louange envers Dieu. »
    C’est précisément la question que se pose le Vénérable L. du Pont dans son opuscule Sentimientos y avisos : « A tout instant, écrit-il, j’entends L. de Blois me recommader d’offrir à Dieu mes œuvres en union avec les mérites de Jésus-Christ, ma pauvreté en union avec sa pauvreté, mon obéissance en union avec son obéissance, mes peines et souffrances en union avec les siennes ; bref d’offrir à Dieu toutes mes actions unies et incorporées aux actions du même genre accomplies pour moi par le Christ Notre-Seigneur.
    « Louis de Blois ajoute qu’elles tirent de là une haute valeur et deviennent extrêmement agréables à Dieu. Et dans le livre de sainte Gertrude, j’ai lu les nombreuses révélations que Dieu lui fit sur le même sujet.
    « Désirant savoir sur quel fondement théologique reposait cette vérité, il me vint à l’esprit que Dieu accordait à cause des mérites de Jésus-Christ — appliqués en raison même de cet acte d’offrande —quelque secours spécial, Motion, inspiration ou sentiment de dévotion, aidant à mieux accomplir l’œuvre en question, et du coup la rendant plus agréable à Dieu, de même qu’il lui plaît davantage de s’entendre dire : « Je vous demande ceci au nom de Jésus-Christ », que d’écouter cette prière pure et simple : « Je vous demande telle chose. » En offrant ainsi à Dieu ses actions on obtient beaucoup » (Estudios ecclesiasticos, abril 1924, p. 9).
    Il y a là, en effet, un acte de foi au « Christ chef » (Eph. IV, 15) qui plaît singulièrement à Dieu.
  6. « De même aussi l’Esprit vient en aide à notre faiblesse, car nous ne savons pas ce que nous devons, selon nos besoins, demander dans nos prières. Mais l’Esprit lui-même prie pour nous par des gémissements ineffables. » Rom. VIII, 26
  7. P.J. Rigoleuc, s.j. : Œuvres spir., p. 142 (Édition Hamon)
  8. Concile de Trente, Sess. VI, c. 8.
  9. Il y a des choses qu’il faut apprendre, soit par la méditation, soit autrement. « Pour les âmes qui ont une oraison très affective, disait très sagement le P. de Maumigny, il faut compenser par la lecture, car Dieu, ordinairement, ne supplée par l’instruction. »

Notre Dossier : Conseils Pratiques pour l’Oraison

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