dimanche 28 avril 2024.

Conseils pratiques pour l’Oraison — 1. Introduction à l’Oraison.

Importance de l’Oraison

Le but de la vie, c’est l’union à Dieu, union qui s’ébauche ici-bas par la foi, l’espérance et la charité, qui s’achève au ciel dans la vision et la possession immuable du souverain Bien, union qui assure ici-bas la paix de l’âme, là-haut la béatitude.

Prendre, par la foi, les pensées et les sentiments du Christ, le Verbe fait chair, unir notre volonté à la sienne par le désir et l’espérance du Royaume céleste, par l’obéissance aux préceptes du Père, par l’abandon à son bon plaisir, tel est le moyen de réaliser l’union, de communier à cette vie toute divine que le Christ est venu apporter au monde.

Sans doute, de la part de Dieu, cette union est un don gratuitement offert, une « grâce » ; cependant Dieu veut que nous coopérions à ses avances, il attend nos efforts personnels. Or l’une des manières de coopérer le plus recommandées par le Christ et par les saints1, c’est la prière, et surtout la prière fréquente et organisée : l’oraison.

« La sainteté de vie est le fruit de notre volonté pour autant que celle-ci est fortifiée par le secours de la grâce divine. Or Dieu a pourvu à ce que sa grâce ne nous fît jamais défaut : il nous est toujours loisible de l’obtenir en la sollicitant, en nous adonnant à la prière2 ».

La prière persévérante, l’oraison, ouvre les écluses de la grâce et met à notre service la toute puissance de Dieu. Jésus-Christ a insisté sur la nécessité de la prière, tant par son exemple, au désert, sur les monts de Galilée et à Gethsémani, que par son enseignement :

« Il faut prier toujours et sans se lasser3 — Veillez et priez, pour que vous n’entriez pas en tentation4 ».

Tous les maîtres de la vie spirituelle ont proclamé à leur tour l’importance de la prière. Sainte Thérèse, au dire de saint Alphonse de Liguori5, aurait voulu s’élever sur une montagne et se faire entendre de l’univers entier, uniquement pour lui crier :

Priez, priez, priez !

Elle avait compris le précepte du Christ, le devoir qui incombe à chaque chrétien de prier, s’il veut sauver son âme et vaincre les tentations.

« Et les saints, disait encore saint Alphonse, où donc ont-ils appris à aimer Dieu, si ce n’est dans l’oraison ? »

Pour les prêtres, pour les religieux et religieuses, ce devoir est encore plus rigoureux.

« Tenons pour certain, continuait Pie X, que le prêtre, pour tenir son rang et remplir son devoir, doit être véritablement un homme d’oraison… C’est pour lui un point capital d’accorder chaque jour un temps déterminé à la méditation des vérités éternelles… Il importe que le prêtre soit doué d’une certaine aptitude à s’élever et à tendre vers les choses du ciel, puisque son devoir rigoureux est de les goûter, de les enseigner, de les inculquer. »

« C’est la prière, ajoutait Pie X, qui conservera aux prêtres la piété, l’amour du tabernacle, le bien précieux entre tous qu’est « le sens du Christ » ;

entre la prière et la sainteté, il existe une dépendance telle que l’une ne peut, en aucune façon, exister sans l’autre.

Toute âme qui aspire à s’unir au Seigneur et à le servir parfaitement, qu’elle se trouve dans le monde, dans le clergé ou dans un ordre religieux, aura donc à cœur de pratiquer chaque jour l’oraison mentale. Elle y trouvera Dieu, elle y recevra ses secours, elle y apprendra à penser et à vouloir divinement6.

« Ce n’est pas un mince lien d’amour, dit saint Jean Chrysostome, que l’oraison crée entre Dieu et nous, en nous faisant vivre habituellement dans son intimité et en nous acquérant la (divine) sagesse. Si, en effet, nous gagnons beaucoup au contact d’un esprit cultivé, que dire des personnes qui s’entretiennent de façon suivie avec Dieu ? »

« Recourons sans cesse à Dieu, recommande ailleurs le saint évêque, allons à lui dans toutes nos tribulations, demandons-lui toutes choses. Rien n’égale, en effet, la prière : c’est elle qui rend possible ce qui était impossible, facile ce qui était ardu, c’est elle qui redresse ce qui manquait de rectitude…

« Il est impossible, impossible, je le répète, que celui-là succombe qui prie avec l’empressement voulu et invoque Dieu assidûment. Celui qui enflamme ainsi son cœur, qui élève son âme vers le ciel et y fixe sa demeure ; celui qui traite avec Dieu, se souvient de ses fautes et lui en demande pardon, celui-là possède comme une paire d’ailes : il s’élève au-dessus des passions humaines et se détache des soucis de la terre… Lorsque vous préparez votre repas et que vous désirez de la boisson chaude, vous la remettez sur le feu dès qu’elle s’est refroidie : ainsi devons-nous faire (pour notre âme), et l’appliquer à la prière comme à un foyer afin de retrouver la ferveur7 ».

Dieu, qui est attentif à nos demandes, qui les excite lui-même dans notre cœur afin de les exaucer8, répond à sa manière, et sa réponse à lui9, c’est sa grâce, le don de son Esprit de sainteté, ce sont les vertus dont il orne l’âme.

Aussi comprend-on en quel sens le pieux Louis de Grenade a pu écrire :

« L’oraison est tout, puisqu’elle obtient tout. Elle est toutes les vertus, puisqu’elle les donne. Elle est Dieu, puisqu’elle l’atteint10 ».

Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus emploie une comparaison admirablement juste pour faire saisir la puissance de la prière.

« Un savant a dit : « Donnez-moi un levier, un point d’appui, et je soulèverai le monde. »

Ce qu’Archimède n’a pu obtenir parce que sa demande n’avait qu’un but matériel et ne s’adressait point à Dieu, les saints l’ont reçu pleinement. Le Tout Puissant leur a donné un point d’appui : Lui-même, lui seul ! Pour levier, l’oraison, qui embrase d’un feu d’amour ; et c’est ainsi qu’ils ont soulevé le monde, c’est ainsi que les saints encore militants le soulèvent et le soulèveront jusqu’à la fin » des âges11.

La prière nous est nécessaire pour nous-mêmes, elle ne l’est pas moins pour les œuvres auxquelles nous nous consacrons. Si nous faisons de l’action catholique, à quelques degrés et de quelques manières que ce soit, nous avons besoin qu’on nous aide par la prière et nous avons besoin de nous aider nous-mêmes par l’oraison.

« Dans leur zèle à remédier aux maux si graves et si divers dont souffre la société, écrivait S. S. le Pape Pie X, le 9 avril 1911, au Directeur général de l’Apostolat de la Prière, les catholiques ont créé en grand nombre des œuvres très utiles ; aucune cependant ne l’est plus que celle dont, nous le savons, cher fils, vous êtes le directeur…

« Si habiles et si braves que soient les hommes dans la lutte et l’effort pour le salut commun, leur peine est absolument perdue si Dieu ne combat pas avec eux. Or, pour arriver à Lui, il n’est pas d’autre voie que celle d’une humble prière. Qui donc ignore là-dessus la doctrine évangélique ? »

L’Esprit-Saint, maître d’oraison.

L’oraison, étant un art divin, ne s’acquiert pas à la manière d’une science humaine, mais par l’onction du Saint-Esprit, qui nous enseigne toutes choses12, et reste toujours le Maître principal en fait de prière. C’est dire que nous devons tenir grand compte des inspirations de cet Esprit, des goûts et des attraits persistants qu’il nous donne13. Soyons bien persuadés que, parmi tous les genres d’oraisons qui peuvent se faire, le meilleur pour nous

« est celui, quel qu’il soit, pour lequel nous avons le plus d’attrait, qui nous réussit le mieux, et dont nous tirons plus de profit »14.

Ne manquons pas de nous ouvrir, en cette matière, à notre directeur spirituel ; ainsi, il sera mieux à même de nous guider et de discerner les desseins particuliers de Dieu sur notre âme.

Puisque le grand maître d’oraison est le Saint-Esprit, nous puiserons surtout dans cet ouvrage aux sources suivantes :

La Sainte Écriture…

Avant tout dans les livres de la sainte Ecriture15, qui ont pour auteur principal l’Esprit divin, et nous livrent, avec la pensée de Dieu, les formes de prières inspirées par lui, particulièrement agréées de lui, et sur lesquelles par conséquent, nous devons modeler la nôtre.

La prière officielle de l’Église…

En second lieu dans le formulaire de la prière officielle de l’Église, car notre piété, si elle est éclairée, trouvera toujours dans la sainte Liturgie un aliment substantiel16.

Avant de remonter au ciel, Jésus a légué à l’Église sa mission.

Le Christ, s’unissant à l’Église, lui donne son pouvoir d’adorer et de louer le Père… La liturgie, c’est donc la louange de l’Église unie à Jésus ; ou mieux, elle est la louange du Christ, Verbe incarné, passant par les lèvres de l’Église, son épouse. Je puis imaginer le Christ me disant :

Prête-moi ton cœur et tes lèvres pour que je puisse prolonger ma prière ici-bas pendant que là-haut, j’offre mes mérites au Père17.

Les écrits des Saints…

Aux écrits des Saints particulièrement recommandés par l’Église : et à ce titre, « l’aliment céleste18 » que constituent les ouvrages de sainte Thérèse d’Avila s’imposait à notre attention, après ceux des Pères et des Docteurs. Souvent aussi, « afin de montrer que la piété et la théologie mystique ont pour fondement la vérité rigoureuse du dogme », nous citerons saint Thomas d’Aquin, « parce qu’il excelle dans la théologie mystique aussi bien que dans la scolastique, comme son maître saint Augustin et son contemporain saint Bonaventure, dont nous mettrons également la doctrine à contribution19 ».

Nous recourons souvent aussi aux « Exercices Spirituels » de saint Ignace, qui n’ont pas été conçus comme un manuel d’oraison20, ce qu’on suppose parfois à tort, mais qui présentent plusieurs excellentes manières de prier, et qui surtout, « par la voie sûre de l’abnégation et du renoncement aux habitudes mauvaises » disposent merveilleusement l’âme à la prière, et la font « parvenir à l’oraison la plus élevée, sur les sommets de l’amour divin21 ».

Nous suivrons, autant que possible, les Exercices de saint Ignace pour l’ordre dans lequel nous proposerons les mystères de notre foi, ordre qui correspond en général aux différentes phases de la vie spirituelle.

  • La méditation des fins dernières et du péché convient mieux à ceux qui suivent la « voie purgative » ;
  • celle des mystères de l’enfance et de la vie publique de Notre-Seigneur à ceux qui se trouvent dans la voie illuminative ;
  • quant aux âmes appelées à la voie unitive22, elles trouveront des sujets appropriés dans les mystères de la passion et de la résurrection, dans la contemplation des perfections divines et de tout ce qui se rapporte au sacrement de l’Eucharistie.

Remarquons cependant, avec de sages auteurs23, que cette division de la vie spirituelle en trois voies est assez factice, qu’il est rare pour une âme de se tenir dans l’une à l’exclusion des autres, et qu’en pratique beaucoup de personnes se trouveront fort bien de parcourir tous ces mystères au cours de l’année, comme le suggère la liturgie.

D’ailleurs, observe justement le P. L. du Pont

« l’expérience enseigne que, lorsqu’un certain esprit, lorsqu’un attrait très marqué pour une vertu prédomine dans une âme, cette âme prend occasion de tout sujet de méditation, quel qu’il soit, pour fortifier et augmenter cet esprit ou cet attrait ».

Prière du jour :

Prières de Lessius et du Cardinal Mercier


Pour aller plus loin…


Notes & Références

Sujet d’Oraison pour tous les jours de l’année, Tome I, Conseils pratiques pour l’oraison — La Très Sainte Trinité — Les perfections divines — La Grâce — Les fins dernières”, P. J.-B. Gossellin, S.J., 2ᵉ édition revue et augmentée, Apostolat de a prière, Toulouse, 1938, p.1-9.

  1. Voir plus loin sujet 59, P. 262, et tout notre commentaire de l’Oraison dominicale : La Prière du Christ dans le cœur du chrétien.
  2. Pie X, Exhortation au clergé catholique, 4 août 1908.
  3. «  Veillez et priez afin que vous n’entriez point en tentation. L’esprit est prompt, mais la chair est faible. » Marc XIV, 38.
  4. « Il leur adressa encore une parabole, pour montre qu’il faut prier toujours et sans se lasser. » Luc XVIII, 1.
  5. La véritable épouse de J.C., XX.
  6. « Sans oraison, pas de foi vive aux vérités éternelles, pas de vie divine intense, pas de perfection possible. » (S. Alphonse de Liguori)
  7. P.G., 55, 41 ; 54, 666, 652.
  8. « Avant (même) qu’ils crient (vers moi), je les exaucerai. » Isaïe LXV, 24
  9. Locutio Verbi, infusio doni (S. Bernard, P.L., 183, 1003)
  10. L. De la Oracion, III, II, f. 367.
  11. Histoire d’une âme, ch. XI.
  12. I Jean II, 20-27
  13. « Dans les choses matérielles, disait le P. de Maumigny, il ne faut pas trop consulter son goût : c’est de la gourmandise. Dans les choses spirituelles, il faut en tenir grand compte : c’est l’attrait divin. »
    Saint François de Sales avait dit avant lui : « Le secret des secrets en l’oraison est de suivre les attraits en simplicité de cœur. »
  14. P.J. Rigoleuc, s.j. : Œuvres spir., p. 12
  15. Ces emprunts à l’Ecriture ou à la Liturgie sont indiqués dans notre texte par l’emploi de lettres italiques.
    En général, la traduction que nous donnons est prise du texte original, hébreu ou autre ; parfois cependant, surtout pour les textes connus qui reviennent souvent dans la prière de l’Eglise, il nous a paru préférable de traduire littéralement les paroles liturgiques, généralement empruntées à la Version « Vulgate » de l’Ecriture.
  16. Nous ferons donc de fréquents emprunts soit au missel, soit aux différents offices du bréviaire romain, heureux si la beauté de ces textes donne le désir d’y revenir, de les utiliser plus souvent et de les goûter à loisir dans l’oraison. On nous a demandé de donner uniquement la traduction française, cependant les personnes habituées au latin trouveront profit à se servir des paroles latines de la Liturgie et de la « Vulgate », qui leur sembleront autrement savoureuses.
  17. Cf. Dom Marmion, Le Christ idéal du moine, XIII, § 4.
  18. Oraison de la Fête.
  19. P. Du Pont, Introd. générale, début.
  20. Leur but explicite est d’aider l’homme « à se vaincre et à régler sa vie sans se déterminer par aucune affection déréglée. (Titre)
  21. S.S. Pie XI, Encyclique Mens Nostra, décembre 1929.
  22. Vie unitive : Vie de perpétuelle union avec Dieu.
  23. Cf. Suarez, de Spiritualibus Exercitiis S. Ign., II, 11 (Édition Debuchy, p. 106)

Notre Dossier : Conseils Pratiques pour l’Oraison

Prières pour l’Oraison

Suivez-nous !

Choix de la Rédaction

Étiquettes

Catégories