mercredi 22 janvier 2025.

Parabole du Semeur.

Sainte Vierge Marie, qui avez accueilli « le Verbe » et dans votre cœur et dans votre sein, apprenez-moi à recevoir et à garder la parole de Dieu1.

La semence est la parole de Dieu.

Voici que le semeur sortit pour semer. Or, il arriva que, pendant qu’il semait, une partie du grain tomba le long du chemin, et les oiseaux vinrent et le mangèrent.

Une autre partie tomba sur le sol pierreux, où il n’y avait pas beaucoup de terre, et il leva aussitôt parce qu’il n’y avait pas de profondeur de terre ; et quand le soleil se leva, il fut brûlé, et, parce qu’il n’avait pas de racine, il se dessécha. Et une autre partie tomba sur les épines, et les épines montèrent et l’étouffèrent, et il ne donna pas de fruit. Et d’autres grains tombèrent dans la bonne terre, et donnèrent du fruit en montant et se développant, et rendirent l’un trente, l’autre soixante, l’autre cent. Et (Jésus) disait : « Que celui qui a des oreilles pour entendre, entende !2 »

Les disciples ayant demandé l’explication de la parabole, (Jésus) leur dit : « … La semence, c’est la parole de Dieu.3 »

Cette parabole est le type des sujets de méditation.

Elle est destinée à éclairer l’esprit plutôt qu’à échauffer le cœur. Je réfléchirai donc, afin de bien comprendre l’explication du Christ ; je considérerai quelle est la semence, qui est le semeur, en quelle terre et pourquoi il sème.

Avant tout je méditerai sur l’enseignement de fond, qui est d’une portée capitale. L’œuvre de notre salut est essentiellement une collaboration ; rien ne remplace l’effort personnel, la mise en valeur des grâces divines.

« C’est par la grâce de Dieu, peut dire avec S. Paul chacun des élus, que je suis ce que je suis, mais sa grâce, en moi, n’est pas restée stérile.4 »

Que j’en aie conscience ou non, les grâces pleuvent sur mon âme, comme la semence sur le champ. Mais cela ne suffira jamais à me sanctifier et à m’obtenir le salut, si je me refuse à prier et à lutter, si je ne travaille avec patience à éliminer ce qui fait obstacle à la fertilité du sol.

Gratia Dei mecum, la grâce de Dieu avec moi, ajoutait S. Paul.

La grâce est à l’origine de tout ; elle est supposée partout, mais elle n’est pas tout5. Mon inertie peut la rendre vaine.

La semence

La semence est la parole de Dieu, lue ou entendue ; la parole de Dieu et aussi ne l’oublions jamais — tout son cortège de secours intérieurs, lumières pour l’esprit et saintes impulsions pour le cœur6. Dieu ne nous parle pas simplement pour nous instruire, mais il entend nous guider par là vers la vie éternelle. Sa lumière est un bienfait ; ses impulsions vers le bien, les saints désirs qu’il excite par le moyen de sa parole constituent l’accompagnement normal du premier don. Le geste du semeur, si nécessaire soit-il, ne suffit pas ; la chaleur et l’humidité doivent intervenir pour que la graine puisse lever et porter le fruit. Ainsi en est-il de la parole révélée : elle ne constitue qu’une partie, la plus sensible, mais non la plus importante, du don de Dieu.

La parole de Dieu est vérité. Vérité infaillible, car elle vient de Celui qui ne peut se tromper; vérité salutaire, car elle nous guide aux heures de doute et nous indique le chemin du vrai bonheur; vérité récon fortante, pain de vie qui prévient et répare nos défail-lances. Le Corps du Christ et la parole du Christ, voilà le double viatique également nécessaire à l’homme voyageur. Pour l’un comme pour l’autre, nous devons les plus ferventes actions de grâces.

« Je vous bénis, Père céleste, Père de mon Seigneur Jésus-Christ, d’avoir daigné vous souvenir du pauvre homme que je suis. Ô Père des miséricordes et Dieu de toute consolation, je vous remercie » de m’avoir parlé et de m’avoir donné la grande marque de l’amitié qui est de révéler tous les secrets.7 Que votre vérité m’instruise, « qu’elle me protège, qu’elle me délivre de toute affection mauvaise et me garde jusqu’à la bienheureuse fin »8

Le principal semeur

Le principal semeur, c’est Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit. Pour faire parvenir sa parole jusqu’à nous, il se sert d’intermédiaires ou d’instruments : prédicateurs, bons livres, images saintes. N’oublions jamais d’où vient en définitive cette parole : il y a grande utilité spirituelle à considérer la nourriture de l’âme comme nous étant présentée par le Père céleste lui-même. Elle est un don de son cœur et de sa main.

Bienheureux celui que vous instruisez, Seigneur, et à qui vous enseignez votre loi, afin de lui adoucir les jours mauvais9.

Ô Jésus, toute lecture est insipide si vous n’êtes là, en mon cœur, pour l’éclairer. Venez donc dans mon intelligence par votre divine sagesse ; venez en moi pour y être la lumière de tout ce qui connaît, l’amour de tout ce qui aime ; pour être tout en toutes choses, ô bon Jésus.

La terre

La terre qui reçoit la semence, c’est mon âme : plus mon âme est cultivée par la fréquentation des sacrements, plus elle est docile aux impulsions du Saint-Esprit, qui l’invite à se renoncer, et plus elle puise de lumières dans un texte des Ecritures, dans une parole du Christ.

Pourquoi Dieu sème-t-il ?

Par bonté pure. A d’autres de semer par intérêt. Dieu, le grand Semeur, ne tire personnellement aucun avantage de la récolte.

Mais son geste est tout profit pour nos âmes, qui reçoi vent la semence et deviennent fertiles.

Et que sème Dieu ?

En vérité peut-il semer autre chose qu’une semence divine ? Au baptême il nous a adoptés pour enfants ; il a créé en nos âmes un germe de vie qui nous rend semblables à sa Parole vivante, à son Verbe, splendeur de sa gloire et empreinte de sa substance. Tout ce qu’il sème ensuite ne tend qu’à développer cette grâce de l’adoption, à nous faire penser divinement, à nous faire espérer divinement, à nous faire aimer divinement, et cela afin de pouvoir nous récompenser divinement.

Ô Père céleste, qui avez aimé le monde au point de lui donner votre Verbe, Parole incréée que vous prononcez éternellement au-dedans de vous, daignez jeter en mon âme cette semence magnifique et accordez-lui la foi au Christ sans laquelle la parole du Christ resterait stérile.

Ô Verbe de Dieu, Sagesse infinie qui êtes sortie du sein du Père et qui êtes venue en ce monde pour y répandre votre doctrine comme une semence qui vous appartient, qui est de vous seul et que vous n’avez empruntée à personne, venez éclairer mon intelligence, afin que je vous connaisse et que je me connaisse, et que je sache ce qui vous est agréable.

Ô Esprit trois fois saint, qui faites germer et mürir la semence répandue par le Christ, touchez fortement nos cœurs, excitez-y de saintes affections, embrasez-les de votre amour et rendez-les capables de produire avec abondance les fruits de l’Esprit10.

Ô Trinité sainte, Dieu d’amour et de vérité, soyez à jamais bénie pour le don de votre Parole et de vos paroles, pour l’incarnation du Verbe et pour son enseignement ! Daignez achever en nos âmes le travail que vous avez commencé, en sorte qu’elles deviennent lumière dans le Seigneur et que nous marchions comme des enfants de lumière11.

Terres ingrates et terre fertile.

« La semence c’est la parole de Dieu. Ceux qui sont le long du chemin, sont ceux qui ont entendu ; mais ensuite le démon vient et il enlève la parole de leur cœur, de peur qu’ils ne croient et soient sauvés. Ceux qui (représentent) le sol pierreux sont ceux qui, entendant la parole, la recueillent avec joie. Mais ils n’ont pas de racine. Ils croient pour un temps, et ils suc combent à l’heure de l’épreuve. Ce qui est tombé parmi les épines représente ceux qui, ayant entendu la parole, se laissent peu à peu étouffer par les soucis, les richesses et les plaisirs de la vie, et ils n’arrivent point à maturité12.

L’interprétation de la parabole est d’une clarté limpide. Le grain est excellent, apte à germer partout où il tombe. S’il périt ou disparaît, la faute en est aux dispositions défectueuses du terrain, à la négligence ou à la mollesse de ceux qui l’ont reçu. Je rechercherai donc à quelle catégorie j’appartiens, pour quelles raisons je ne profite pas davantage de la parole de Dieu.

Y a-t-il manque d’esprit de foi, défaut de recueillement, indolence, lâcheté à me vaincre et à mettre en valeur les grâces reçues ? La méditation, ici, tournera donc à l’examen de conscience et se terminera par un appel fervent au Saint Esprit :

Purifiez ce qui est souillé,

Arrosez ce qui est aride,

Guérissez ce qui est blessé (Veni, sancte…)

Cette parabole sert à classer soit les différents auditeurs que rencontra le Christ au cours de sa vie publique, soit les âmes contemporaines, les fidèles sur qui l’Esprit du Christ poursuit le travail intérieur de sa grâce.

Un sol dur et battu…

La première catégorie n’offre à la parole et à l’Esprit-Saint qu’un sol dur et battu, où l’Evangile ne pénêtre pas. Image des âmes légères et superficielles, qui n’ont pas de goût pour les choses spirituelles, qui ne ressentent aucun désir surnaturel et ne trouvent jamais de loisirs pour la prière. « Terrena sapiunt », dit à leur sujet la liturgie ; elles aiment la terre et se ferment à l’action du ciel. Il y a un moyen de ne pas appartenir à cette catégorie, c’est de faire chaque année une sérieuse retraite fermée, car c’est là un des moyens les plus efficaces pour permettre à la semence divine de pénétrer profondément.

Un sol pierreux…

La seconde catégorie, figurée par le sol pierreux, est celle des auditeurs qui accueillent avec joie et sympathie la parole de Dieu. Ils la goûtent, l’admirent ; certains même la prêchent aux autres, mais négligent d’en faire la règle de leur propre vie. Telles sont les personnes qui agissent par impressions, qui manquent de caractère : chez elles, rien de durable ; leurs bons désirs sont feux de paille. Les premières épreuves ou contrariétés les découragent, parce que, en de telles âmes, la terre n’est pas profonde, parce qu’il manque de leur côté l’apport d’abnégation, de prière et de constance qui constitue la coopération humaine.

Une terre excellente, mais occupée par les épines…

La troisième catégorie renferme des sujets de valeur, peut-être d’élite ; terre excellente, mais occupée par les épines, esprits et cœurs absorbés par les soucis de ce monde et la séduction des richesses. Touchés par la parole de Dieu, ils réagissent magnifiquement, conçoivent le plus noble idéal. Mais quand vient l’heure du sacrifice, quand il s’agit de choisir effectivement entre la pauvreté du Christ et les biens de ce monde, ils imitent le jeune homme riche, qui s’en retourna tout triste, faute de courage et de détachement.

Ô Dieu, qui, par la voix de vos saints prophètes, avez déclaré à tous les enfants de votre Eglise que c’est vous qui, dans toute l’étendue de votre empire, semez le bon grain et cultivez le plant choisi, faites que vos peuples, auxquels vous donnez le nom de vigne et de moisson, portent le fruit qui convient, après avoir arraché les ronces et les épines de leur cœur. Par Notre-Seigneur Jésus-Christ…13

Une terre fertile…

Enfin, la quatrième catégorie — ce qui ne signifie nullement le quart des auditeurs — comprend tous ceux qui, ayant entendu la parole avec un cœur noble —

et bon, la gardent et portent du fruit avec patience14.

Ainsi le dernier mot de cette parabole éveille l’idée de labeur, de croix, d’attente pénible et résignée, et fait écho à cet autre enseignement du Christ : Si quel qu’un veut venir avec moi, lier son sort au mien et régner plus tard avec moi, qu’il prenne sa croix chaque jour et qu’il me suive !

…et généreuse !

A cette catégorie appartiennent les âmes généreuses, qui reçoivent la parole avec foi et avec un vif désir d’en profiter. Comprenant « l’épouvantable sérieux de la vie chrétienne », elles se prêtent au monde sans se donner à lui et gardent à Dieu, en toutes choses, la place qui lui est due. Elles savent prier, elles savent se vaincre et emploient les moyens indiqués pour faire lever le bon grain : fréquentation des sacrements, direction et exercices spirituels.

Sainte Vierge Marie, terre fertile entre toutes, terre d’élection qui attira le Verbe parmi nous, soyez bénie entre toutes les créatures! Ô vous qui gardiez dans votre cœur, en les méditant, les paroles du Seigneur, à porter ma croix avec patience, en sorte que je rende, à votre exemple, cent pour un.


Lectures pour nourrir vos méditations


Notes & Références

Sujet d’Oraison pour tous les jours de l’année, Tome III,  « Temps après la Pentecôte » — Vie Publique de Jésus — Enseignements et Miracles, P. J.-B. Gossellin, S.J., 2ᵉ édition revue et augmentée, Apostolat de a prière, Toulouse, 1940, p.150-158.

  1. Comme (Jésus) parlait, une femme s’écria au milieu de la foule : « Heureux le sein qui t’a porté et les mamelles que tu as sucées ! » Et il répondit : « Heureux plus encore ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui la garde » (Luc XI, 27-28)
  2. Marc IV, 3-9.
  3. Luc VIII, 9-11
  4. 1 Cor. XV, 10.
  5. Toute spiritualité orthodoxe croit à la puissance de la grâce et à la nécessité de notre coopération, enseigne que la grâce donne le vouloir aussi bien que le faire, et en même temps conseille d’agir comme si Dieu nous laissait tout faire. C’est que la grâce, tout en prévenant et accompagnant notre effort, reste généralement inaperçue. On la reconnaît à ses effets. Nous ne nions pas du reste que l’action du Saint-Esprit en nous puisse, en certains
    cas devenir comme palpable ; il arrive même, Cieux eux que Dieu conduit par des voies spéciales, qu’elle donne l’illusion d’être incoercible et semble ne laisser aucune place à la liberté, alors qu’il se produit pourtant, tout au fond de l’âme, une coopération très suave, très complète et très méritoire.
  6. « Loquere, Domine ! Parlez-moi, Seigneur ! Si vous vous taisez, tous les livres sont vides, et si vous parlez, à quoi bon les livres… Ô bon Jésus… donnez-moi l’abandon à votre saint Esprit ; puisque je ne peux pas lire beaucoup, c’est vous qui suppléerez et je suis content d’être obligé ainsi de m’unir à vous » (P. Al. Hanrion, Journal, p. 161).
  7. Jean XV, 15
  8. Imitation, III, c. V, 1 ; c. IV, 1.
  9. Ps. XCIV, 12-13
  10. … Qui sont charité, joie, paix, patience, bénignité, bonté, longanimité, mansuétude, foi, modestie, continence, chasteté (Gal. V, 22-23). Tel est le genre de moisson qu’attend de notre âme le Semeur divin.
  11. Ephésiens V, 8.
  12. Luc VIII, 12-14.
  13. Samedi-Saint, oraison après la VIII prophétie.
  14. Luc VIII, 15.

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