Les institutions de l’Église, comme toutes les œuvres de Dieu, sont variées à l’infini.
Cette tendre Mère possède, avec l’amour qui la dévoue à nos besoins, une rare intelligence pour les deviner et un véritable génie pour les satisfaire.
- Elle se réjouit avec le juste,
- s’humilie avec le pécheur,
- gémit avec la veuve,
- pleure avec l’orphelin,
- mendie avec le pauvre.
Son culte, ses chants, ses cérémonies saisissent l’homme par toutes les facultés de son âme et tous les sens de son corps ; à tout prix, elle veut pour triomphe la conviction de notre esprit et l’amour de notre cœur. C’est pourquoi elle se fait toute à tous pour nous gagner tous à Jésus-Christ.
Quelquefois cependant, confondant :
- les riches et les pauvres,
- les grands et les petits,
- les savants et les ignorants,
- les princes et les sujets,
- les prêtres et les simples fidèles,
dans une même pensée, elle donne à tous, dans une même langue, une même leçon. Tel est le spectacle qu’offre aujourd’hui à nos regards la touchante cérémonie des Cendres.
Il y a quelques jours, un prédicateur, précédé par une brillante réputation, nous était annoncé, et nous remplissions le Temple Saint.
Oh ! L’admirable prédicateur, le sublime sermon que celui d’aujourd’hui dans les temples catholiques !…
Mais qui va parler ?
La chair de vérité est vide et muette.
Je vois le prêtre lui-même, confondu au milieu de la foule recueillie, s’incliner et humilier son front.
Qui parle donc ?
La poussière ! Un peu de cendre !
Mais, cette cendre n’est qu’une interprète ; elle nous traduit une langue, la langue de la mort !
Toute chose a une fin conforme à son origine.
Ce qui vient de Dieu retourne à Dieu ; ce qui est de la terre retourne à la terre.
Qu’étaient, en effet, ces cendres que l’Église répand aujourd’hui sur nos fronts ?
Des branches de palmier et des rameaux de laurier.
Pleins de sève et de verdeur, ils furent choisis, l’an dernier, pour servir à la fête qui porte leur nom, la fête des Rameaux. Mais, leur triomphe ne fut que d’un jour ; vite ils se sont flétris, leurs feuilles se sont décolorées et ont perdu leur suave odeur, le feu a achevé de détruire ce que le temps avait pu leur laisser encore ; maintenant, ils sont poussière. Autrefois, ils formaient ensemble, un pesant faisceau de verdure ; aujourd’hui, un petit enfant porterait la cendre qui reste d’eux dans le creux de sa main ! La terre les avait produits, c’est à elle qu’ils retournent. Oh ! L’expressive leçon !
La transformation de ces rameaux sera la nôtre bientôt.
Tout florissant de santé et jeunesse que puissent être notre corps, d’où sont-ils ? De la terre ! Où vont-ils ? À la terre !
Voilà ce que les cendres prêchent éloquemment à tous ceux qui les reçoivent aujourd’hui…
Le monde, tous ces jours, disait à l’homme, dans son langage flatteur :
Souviens-toi de la noblesse de ton sang, de l’illustration de ta famille, songe à l’éclat de ta fortune, au luxe de tes équipages, à la magnificence de ta demeure, à des distinctions, à ces plaisirs qui courent en foule au-devant de toi, à ces talents de l’esprit qui te promettent tant de succès, à cette fleur de jeunesse et de beauté qu’il te donne en spectacle à tous les regards.
Et, l’homme, séduit par ces paroles, invitait son âme à se réjouir, à se divertir à la vue de toutes ces richesses ; requiesce, comede, bibe, epulare !
En ce jour de pénitence, l’Église, avec un peu de cendre et quelques mots, mais sublimes, mais effrayants de vérité, rend la raison à cet homme atteint du délire qui donne l’orgueil :
Ô homme ! Souviens-toi que tu n’es que poussière et que tu retourneras à la poussière.
Memento !
Il est vrai que Dieu a placé dans cette maison de boue, qu’on nomme le corps humain, une hôtesse immortelle, l’âme.
Mais, l’âme n’y vivra pas toujours ; le corps n’est pour elle que la tente d’une nuit, comme la tente que le pasteur replie, quasi tabernaculum pastorum1. « L’esprit passe en lui, dit le psalmiste, mais sans s’y arrêter. »
Oh ! allons donc tous entendre en ce jour la muette, mais éloquente prédication des cendres bénites. Allons recueillir les leçons salutaires de l’Eglise : en nous entretenant de l’abaissement futur de nos corps, elle nous fera comprendre
— et la brièveté du temps
— et la fragilité de la vie,
— et la dignité de nos âmes immortelles,
— et les charmes de la vertu,
— et la beauté admirable du Dieu qui en sera la récompense.
Là, dans ces leçons de l’Église, est toute la sagesse, toute la morale, toute la conduite de la vie ; là, malgré une apparente sévérité, est le secret du bonheur lui-même ; là, surtout, est le salut. Memento !
L’abbé L.
Pour aller plus loin…
Billet dominical « la Septuagésime »
Billet dominical « la Sexagésime »
Billet dominical « la Quinquagésime »
Billet dominical « 1ᵉʳ dimanche de Carême »
Billet dominical « 2ᵉ dimanche de Carême »
Billet dominical « 3ᵉ dimanche de Carême »
Billet dominical « 4ᵉ dimanche de Carême »
Messe du Jour
Notes & Références
Semaine Religieuse de Bayeux, 1865, p.17-18.