samedi 20 avril 2024.
 

L’entrée triomphale à Jérusalem

Gloria, laus et honor tibi sit, Rex Christe Redemptor !… Plebs Hebraa tibi cum palmis obvia venit ; Cum prece, voto, hymnis adsumus ecce tibi »1.

Pourquoi Notre-Seigneur veut entrer triomphalement à Jérusalem.

Jésus veut entrer triomphalement dans la ville sainte :

D’abord, pour faire publiquement acte de Messie :

Telle est, en effet, la volonté du Père.

L’heure est venue d’accomplir la prédiction de Zacharie2 et de s’afficher aux yeux de tout le peuple.

C’est comme Messie que Jésus a enseigné ; c’est comme Messie qu’il a accompli des miracles et ressuscité Lazare ; c’est comme Messie qu’il veut entrer dans la Cité sainte et qu’il veut y mourir. Il cherche sa gloire parce qu’elle est la gloire de Dieu ; il la cherche sans orgueil. Du reste la croix qui le recevra est déjà préparée. Il le sait et il y pense. Ce n’est pas sans raison que la liturgie a pris pour épitre, au jour des Rameaux, le fameux passage, où saint Paul décrit l’humiliation du Christ.

Cette façon de faire du Sauveur nous invite à ne jamais nous dérober à ce que nous ménage la Providence divine : si elle nous conduit passagèrement aux honneurs, dépouillons-nous de toute timidité et faisons taire la fausse humilité, mais imitons, à l’intérieur, la pureté d’intention du Christ Jésus.

Notre-Seigneur, en second lieu, veut nous découvrir la douceur héroïque de son Cœur.

Jérusalem est la ville, où, dans quelques jours, il sera traité de fou, insulté, bafoué,

— mis au-dessous d’un Barabbas par ces mêmes hommes qui le portent aujourd’hui en triomphe. Le Sauveur le sait, et se garde bien d’esquiver ce triomphe éphémère, plus poignant que glorieux. Imaginons n’importe quel homme de caractère à la place de Jésus ; faisons-le aussi grand et aussi noble que nous le voudrons ; sachant ce que Jésus savait, comparant les acclamations présentes des Juifs avec les « tolle, crucifige » que ces mêmes individus devaient rugir cinq jours plus tard, cet homme n’aurait pu se défendre d’un geste de dégoût et de mépris, d’une parole empreinte d’amertume et de pessimisme. Il n’y a au monde que le Fils de Marie qui puisse donner un tel exemple d’équilibre et de maîtrise de soi, qui soit capable de demeurer simple et condescendant en pareille circonstance, d’accepter les hommages avec un sourire affectueux, tout comme s’il ignorait ce qui va arriver avant que la semaine s’achève.

O Jésus, comme je suis heureux de reconnaître et d'admirer la perfection absolue de votre sainte âme !

Tous les hommes, même les plus grands, même les plus proches et les plus chers, m'apparaissent sujets à l'erreur et me laissent apercevoir en eux des petitesses et des défauts. 

Vous seul êtes la Vérité totale, la Force totale, la Bonté totale. Scio cui credidi... 

Je sais mieux, de jour en jour, à qui j'ai donné ma foi et mon cœur. Moi, du moins, je n'aurai rien à regretter...

Cette entrée nouvelle a un troisième motif : Jésus veut prouver aux habitants de Jérusalem qu’il ne garde pas rancune des persécutions,

des paroles méchantes et calomnieuses qu’il avait eu à subir les fois précédentes.

Sa charité n’est point refroidie et va tenter un dernier effort pour attirer à lui la ville ingrate : il ne tient qu’à elle d’y répondre.

O bon Maître, quelle leçon pour ceux qui s’imaginent que la douceur et l’humilité sont l’apanage des tempéraments mous, et non des cœurs virils ! Quel courage il vous a fallu pour vous prêter à ce triomphe, alors qu’il évoquait en votre esprit un autre cortège dont vous seriez le centre, et où le « Roi des Juifs », sanglant et méconnaissable, serait reconduit « hors des portes » par cette même foule ! Quelle force pour refouler les larmes, le dégoût et la tristesse !

Cœur de Jésus, apprenez-moi à posséder mon âme par la douceur !

Acclamation de la foule — Attitude des Pharisiens et du Christ.

Comme Jésus approchait de Jérusalem et venait d’arriver à Bethphagé, près du mont des Oliviers,

il envoya deux de ses disciples, en leur disant :

Allez au village qui est en face de vous ; vous trouverez aussitôt une ânesse attachée, et son ânon avec elle ; détachez-les et amenez-les-moi. Si l’on vous dit quelque chose, répondez que le Seigneur en a besoin ; et à l’instant on, les laissera aller.

Or ceci arriva, afin que s’accomplit la parole du prophète dites à la fille de Sion :

Voici que ton Roi vient à toi plein de douceur, monté sur un ânon, le petit de celle qui porte le joug.

Les disciples allèrent donc et firent comme Jésus leur avait prescrit. Ils amenèrent l’ânesse et l’ânon, mirent sur lui leurs manteaux, et l’y firent asseoir. Le peuple en foule étendit ses manteaux le long de la route ; d’autres coupèrent des branches d’arbres et en jonchèrent le chemin ; et toute cette multitude, tant ceux qui précédaient que ceux qui suivaient, criaient en disant :

« Hosanna au Fils de David ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! »

Apprenons ici le devoir de la louange divine et rappelons-nous que nous avons été créés pour cela. Sachons, dans les prières liturgiques, goûter spécialement les doxologies.

Comme je me réjouis, ô Jésus, de pouvoir répéter chaque matin, au milieu de ma Messe, cette louange inspirée :

Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur !

Accordez-moi, à vous qui assurez seul la persévérance, la grâce de la redire tous les jours de ma vie avec la même foi et la même ardeur. Faites que je comprenne à quel point notre louange vous plaît, surtout quand elle est dictée par l'amour.

« Mon Seigneur et mon Dieu, apprenez-moi à trouver toute ma joie à vous louer, c'est-à-dire à vous répéter sans fin que vous êtes infiniment parfait et que je vous aime infiniment : Délecte-toi dans le Seigneur, est-il écrit dans le psaume et le Seigneur exaucera tes demandes. Apprenez-moi à me délecter en vous, dans la vue de vos infinies beautés et le murmure amoureux et incessant, à vos pieds, de vos louanges... »3. 

C'est peut-être parce que je ne loue pas assez que mes requêtes restent souvent sans effet…

Comme Jésus approchait de la descente du Mont des Oliviers, une foule immense, pleine de joie, commença à louer Dieu à haute voix…

Et, quelques Pharisiens mêlés à la foule lui dirent : « Maître, mets tes disciples à la raison. » Et, il répondit : « Je vous le dis, si ceux-ci se taisent, les pierres crieront »4.

Jésus avait voulu se révéler solennellement comme le Messie, comme le Roi spirituel du peuple élu ; or cette fois, il était compris : les acclamations de la foule le montraient ; trop bien compris même, car les pharisiens, voyant tout le monde se mettre à sa suite5, renoncèrent aux discussions et complotèrent sa mort. Jésus peut disparaître, il restera clair aux yeux de tous qu’il n’a pas caché sa gloire, mais qu’il a revendiqué bien haut le titre de Messie d’Israël ; non seulement, en effet, il accepte les acclamations, mais aux pharisiens qui veulent faire taire les disciples il répond :« Je vous le déclare, s’ils se taisent, les pierres elles-mêmes crieront. » Il est des heures où il faut s’affirmer sans timidité, Jésus le sait et donne l’exemple.

Nous remarquerons ici que le Sauveur Jésus ne connut guère de joie pure, au cours de sa vie. Il y eut toujours quelque contrariété, voulue ou permise par la Providence, qui vint gâter son bonheur. L’envie des pharisiens le poursuivit partout et ne lui laissa jamais un instant de répit. Nous verrons enfin comment Notre-Seigneur, au milieu de la foule délirante, reste calme et modeste quel contraste entre les acclamations, les titres de Fils de David, de Roi d’Israël d’une part, et de l’autre la pauvre monture qu’il s’est choisie, et ses douze Apôtres, les grands de son royaume, si étrangement recrutés !

« Fille de Jérusalem, voici ton roi… Il est juste et sauveur ; il est humble. »

O Jésus, toujours et partout humble de cœur, apprenez-moi à ne pas m’enorgueillir dans le succès, à ne pas rougir de la condition, où votre Providence me veut, à juger sainement, et non comme le monde, de la véritable valeur des emplois et des choses.


Messe du Jour

Dimanche des Rameaux


Lectures pour nourrir vos méditations

“Imitation de Jésus-Christ”Livre II “Instruction pour avancer dans la vie intérieure”, 12. De la Sainte voix de la Croix.

Foucault : 15-16 ; 155-156.


Notes & Références

Sujet d’Oraison pour tous les jours de l’année, Tome IV, Passion et Résurrection. Ascension et Pentecôte, P. J.-B. Gossellin, S.J., 2ᵉ édition revue et augmentée, Apostolat de a prière, Toulouse, 1941, p.1-6.

  1. Liturgie du dimanche des Rameaux.
    « Gloire, honneur et louange soient à vous, Christ-Roi rédempteur!.. Le peuple hébreu se porta à votre rencontre avec des palmes : Nous, c’est avec des prières, des vœux et des cantiques que nous venons à vous. »
  2. IX, 9. En voici la traduction par le P. CONDAMIN :
    « Que ta joie soit grande, fille de Sion!
    Exulte, fille de Jérusalem !
    Voici ton roi qui vient vers toi :
    Il est juste et sauveur,
    Il est humble et monté sur un âne,
    Sur le petit d’une ânesse. »
  3. Charles de Foucauld, Écrits spirituels, p. 16. Nous avons traduit le verset du psaume XXXVI°.
  4. Luc, XIX,37-40
  5. Jean, XII, 19

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