jeudi 25 avril 2024.
 

L’enfance de Jésus à Nazareth

Faites-moi un cœur selon le vôtre !

Jésus veut donner son enfance en modèle à tous les hommes.

Jean le précurseur se forma dans le désert, sous le regard de Dieu. Jésus, voulant donner son enfance en modèle particulièrement accessible, vécu en famille, parmi les siens.

Nous contemplerons donc les différents caractères de sa vie cachée : vie d’enfance et de progrès, vie d’obéissance, vie de travail, vie d’effacement humiliant et d’obscurité.

Mais, tout d’abord, jetons un rapide coup d’œil sur le cadre extérieur de cette vie, sur la gracieuse bourgade de Nazareth, jadis perle de la Galilée.

Aujourd’hui Nazareth a perdu de son éclat ; cependant elle garde encore des prairies, des jardins enclos de cactus ou le figuier, l’olivier, l’oranger et le grenadier mêlent leurs fleurs et leurs fruits. Au Sud-Ouest, les villes étage ses maisons blanches, carrées, à toits plats, sur le penchant de la montagne, et domine une petite, mais verdoyante et fertile vallée. La fontaine est au nord-est, à dix minutes du bourg.

J’imaginerai la demeure de Joseph, simple, pauvre et propre. On voit encore aujourd’hui, à Nazareth, des maisons adossées à la colline et composées de deux parties : une bâtisse en maçonnerie couverte d’une terrasse, et une grotte creusée dans le roc : telle était, d’après la tradition, la demeure de la Sainte famille.

Jésus modèle de l’enfance spirituelle.

L’enfant croissait et se fortifiait, dit Saint-Luc.

Avant de proposer les enfants comme modèle à imiter, sous peine d’être exclu du royaume des cieux, Jésus voulait être lui-même enfant, avec l’ingénuité, la docilité, l’abandon pleine de confiance, la délicieuse simplicité des tout-petits.

Contemplons Jésus, observons à sa totale dépendance, et nous comprendrons mieux la nécessité de l’enfance spirituelle. Voici comment Benoît XV ans décrits un des aspects :

« L’harmonie qui règne entre l’ordre des sens et celui des esprits permet de baser sur le premier des caractères de l’enfance spirituelle. Observons un enfant… Si l’apparition de quelques bêtes (sic) l’apeure, où court-il se réfugier ? Où cherche-t-il un abri ? Entre les bras de sa mère… Accueilli par elle et pressé sur son sein, il dépose toutes ses craintes…

«De même, l’enfance spirituelle est formée de confiance en Dieu et d’aveugle abandon entre ses mains.

« Il n’est pas inutile de relever les qualités de cette enfance spirituelle, soit en ce qu’elle exclut, soit en ce qu’elle suppose. Elle exclut, en fait, l’estime orgueilleuse de soi-même, la présomption d’atteindre par des moyens humains une faim surnaturelle, et la fallacieuse velléité de se suffire à l’heure du péril et de la tentation. D’autres part, elle suppose, une foi vive dans l’existence de Dieu, un pratique hommage à sa puissance et à sa miséricorde, un confiant recours à sa Providence… Ainsi les qualités de cette enfance spirituelle sont admirables, et dès lors, on comprend que Notre-Seigneur Jésus-Christ l’ait appliqué comme condition nécessaire pour acquérir la vie éternelle »1.

Ô Jésus, la leçon que vous me donnez (par votre Sainte en Enfance) renferme une grande perfection. Elle est courte (lorsqu’il faut l’exprimer) en parole, mais pleine de sens et abondante de fruits »2. Seigneur, ouvrez mon cœur à votre loi, et faites-moi enfant en simplicité et en innocence !

Vie de progrès.

Jésus pouvait et voulait faire des progrès,

même en sciences, non qu’il apprît des choses nouvelles — car il jouait dès le premier instant de la claire vision de Dieu — mais il les apprenait de manière nouvelle, par son expérience d’homme, agissant avec ses dispositions acquises, avec son humanité, que l’union à une personne divine n’empêchait nullement de se développer selon sa nature propre. Saint Luc a tenu à nous le faire entendre très clairement 3:

l’Enfant progressait en sagesse, en taille, et en force, devant Dieu et devant les hommes4.

Plein de grâce et de sagesse de sa conception, Jésus manifester ces dons aux hommes, en exerçait les actes de plus en plus parfaitement, à la manière des autres enfants. Il voulait nous faire entendre que la croissance et la loi de toute vie, même spirituelle.

Qui prétend s’est arrêté risque fort de reculer et de dépérir.

Bienheureux, au contraire, le juste. Ce qu’il cherche, c’est à « disposer des ascensions dans son cœur », et pour y arriver, c’est sur Dieu qu’il compte.

Pratiquement, mon progrès consistera en deux choses :

  • Maintenir un contact étroit avec Dieu par une vie d’oraison très nourrie
  • et par la réception fréquente des sacrements, assurant ainsi l’influx vital de la grâce.

Puis remarquer les multiples occasions de petits sacrifices5, quelle qu’en soit la matière, et en profiter pour me vaincre. La vie spirituelle est merveilleusement simple quand on l’apprend de cette façon, qui est celle de l’imitation et de saint Ignace : « Chacun doit songer qu’en tout ce qui est de la vie spirituelle, il avancera en proportion du zèle qu’il mettra à se dégager de son amour-propre, de sa volonté et de son intérêt propres »6.

Le progrès s’impose à moi de façon toute spéciale si je suis fixé dans l’État religieux, lequel est par définition « un état de tendance vers la perfection ». La « vocation » ne consiste nullement à amarrer une fois pour toute sa galère dans le port (conception très fausse, mais courante dans le monde), elle suppose au contraire une série d’efforts interrompus, en vue de développer les qualités, encore en germe, qui rendront propre à l’apostolat et à l’œuvre de Dieu.

Courage, ô mon âme, c’est pour Jésus que tu veux te vaincre et te renier ; Jésus, ton Roi, sera avec toi : il marchera le premier et combattra pour toi. Et, pour prix de ses petits renoncements, tu feras éternellement ta volonté dans le ciel.

Et, vous, Seigneur, daignez m’accorder la grâce de voir les progrès que vous attendez de moi en ce moment, et la force de les réaliser.7

Progrès de Jésus devant les hommes et devant Dieu.

Jésus croissait devant Dieu et devant les hommes, et par cet exemple nous enseigner deux écueils à éviter.

  • Le premier et celui de l’hypocrisie qui fait grand cas de l’estime des hommes et se préoccupe de celle de Dieu, qui soigne jalousement sa réputation de sainteté, sans se mettre en peine des progrès du cœur et de la véritable justice intérieure.
  • Le second écueil est le manque de prudence et de discrétion dans la ferveur : on s’imagine à tort qu’il suffit de croître devant Dieu, sans se soucier de l’édification bonne ou mauvaise qui résulte de nos actes, comme si nous ne devions pas rechercher tout ce qui concerne la paix et l’édification mutuelle8. Il faut au contraire que nos bonnes œuvres, surtout notre charité et notre amour de la paix, portent nos frères à glorifier le Père céleste9. C’est ce que faisait Jésus croissant en grâce, c’est-à-dire exerçant les vertus qui rendent agréable aux hommes aussi bien qu’à Dieu : sa conversation n’avait rien de fâcheux ni de blessant10.

Vie d’obéissance.

« Et il leur était soumis ».

Quel est celui qui obéit, et à qui obéit-il ? Le Créateur à sa créature, Dieu à un artisan.

Obéissance d’exécution, exact, intelligente, ponctuel, sans délai ; obéissance, prévenant les ordres, allons au-devant des désirs de Joseph ou de Marie.

Obéissance intérieure, de volonté : erat subditus illis, il était docile, ce qui dit beaucoup plus encore qu’obéissant, car il y a des obéissants qui se rendent pratiquement intangibles, tandis qu’on commande ce qu’on veut, comme on veut, à celui dont la docilité, met à l’aise ses supérieurs. On connaît son esprit filial, son bon esprit ; on sait qu’il rendra sienne la volonté de celui qui commande, et que, loyalement, il tentera tout pour la faire aboutir. Il est de ce sur qui on peut compter.

Et, moi ?

Obéissance de jugement enfin : Jésus eût-il mérité l’épithète de « soumis » sans cette qualité ?

Et, moi ? Quelle est mon attitude ? Sais-je à tout le moins garder le silence, m’abstenir des critiques, quand la prudence d’une mesure me semble de toute évidence faire défaut, et dans les autres cas, soumettre ma manière de voir, et faire abnégation de mes idées personnelles, pour me ranger à celle des supérieurs ?

C’est là sans doute une obéissance héroïque, mais deux fois nécessaire ; l’histoire est là pour le montrer.

Comme c’est clair quand il ne s’agit pas de nous !

Quel est le motif de cette splendide obéissance ?

La conviction, en Jésus, que ce que veut Joseph ou Marie, c’est précisément ce que Dieu demande de lui : or le Christ est venu sur la terre pour faire, non pas son bon plaisir, mais celui de son Père11.

Sœur de la foi, qui atteint Dieu dans l’hostie, l’obéissance découvre la volonté de Dieu en celle d’un homme.

Au cours d’une oraison où Saint-Jean de Brébeuf s’offrait en disant : « Seigneur, que voulez-vous que je fasse ? » Et, lui fut répondu, comme autrefois à Saint-Paul : « Vade ad Ananiam : va trouver Ananie »12, c’est lui qui te montrera ce que tu dois faire. En même temps, une lumière intérieure lui fît si bien sentir comment l’obéissance rendue aux hommes unis à Dieu, que cette vertu, au témoignage de son supérieur, fut vraiment « parfaite en lui ».

Telle fût donc le docilité de Jésus que ce mot « subditus » résume sa vie à Nazareth. Il apprenait à travailler selon les méthodes —surannées peut-être — de Joseph, et aidait joyeusement sa mère dans les détails du ménage, s’acquittant de tous avec soi, modestie et bonne humeur, rachetant le monde par ses petits actes de soumission avant de le sauver par l’obéissance héroïque de la Croix, et ne s’appliquant pas moins aux uns qu’à l’autre. Cette leçon a été comprise par les âmes pénétrées d’esprit de foi : depuis qu’elles ont vu un Dieu s’humilier ainsi, rien ne leur semble petit de ce que comporte l’obéissance, car toute volonté divine est adorable, comme toute parcelle d’hostie.

Ô Jésus, qui avez su, de manière admirable, unir le progrès incessant avec la docilité la plus complète, apprenez-moi à mettre de l’initiative dans mon obéissance, et de l’obéissance dans mes initiatives, à développer ma personnalité en tout ce qu’elle a de bons, mais plus encore à me laisser façonner, reprendre et diriger par ceux qui tiennent votre place !


Messe du Jour

Saint Timothée, évêque et martyr.


Lectures pour nourrir vos méditations

  • “Imitation de Jésus-Christ” Livre I “Avis utiles pour entrer dans la vie intérieure”,

17. De la vie religieuse.

  • “Imitation de Jésus-Christ” Livre II “Instruction pour avancer dans la vie intérieure”,

2. Qu’il faut s’abandonner à Dieu en esprit d’humilité. (particulièrement le point 2)

  • “Imitation de Jésus-Christ” Livre III “De la vie intérieure”,

13. Qu’il faut obéir humblement, à l’exemple de Jésus-Christ.

15. De ce que nous devons être et faire quand il s’élève quelque désir en nous. (particulièrement les points 1 et 2)

54. Des divers mouvements de la nature et de la grâce. (particulièrement les points 3 et 4)

56. Que nous devons nous renoncer nous-mêmes et imiter Jésus-Christ en portant La Croix.

  • Foucauld : 57 ; 121 c ; 214-215.

Notes & Références

Sujet d’Oraison pour tous les jours de l’année, Tome II, De l’Avent au Carême — Notre-Dame — L’Incarnation — L’Enfance de Jésus, P. J.-B. Gossellin, S.J., 2ᵉ édition revue et augmentée, Apostolat de a prière, Toulouse, 1937, p. 260-267.

  1. Discours pour l’héroïcité des vertus de Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus.
  2. Imitation, III, c. 23, 2.
  3. R.P. Lagrange, p. 47.
  4. Luc II, 52 ; II, 40.
  5. Sainte Thérèse d’Avila, brûlant d’amour de Dieu, s’ingéniait à pratiquer de petits actes de renoncement, par exemple en avouant très simplement, devant ses Sœurs plus jeunes, son ignorance touchant les rubriques de l’office. C’est ce qu’elle appelait « jeter de la paille dans le feu » de l’amour divin (Vie par elle-même, ch. XXXI).
    Sainte Thérèse de Lisieux pliait les manteaux de ses compagnes.
    Saint Jean Berchmans trouvait dans l’observation des Règles mille occasions d’abnégation et d’amour.
  6. Exercices Spirituels, Réforme de vie.
  7. Cf. Oraison du dimanche qui coïncide avec la fête de la Sainte Famille : « Ut et quæ agenda sunt videant, et ad implenda quæ viderint convalescant ».
  8. Rom. XVI, 19.
  9. Matt. V, 16.
  10. Non erit tristis, neque turbulentus (Isaïe XLII, 4)
  11. À propos de ce bon plaisir divin, un grand chrétien ajoutait, après un acte d’humilité et de docilité spécialement méritoire : «…et par qui pourrions-nous mieux le connaître que par le Pape ? »
  12. Paroles qui rendent équivalemment le verset 10 du ch. XXII des Actes des Apôtres (Fouquerey, Martyrs du Canada, p. 278.)

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